IMPORTANT COFFRE EN CÈDRE DU JAPON À DÉCOR DE LAQUE OR SUR FOND NOIR DU DIT DU GENJI, DES HUIT VUES D’ÔMI, ET DU DIT DES FRÈRES SOGA.
Vendu pour 7.311.000 € au Rijksmuseum d’Amsterdam / Cheverny, le 9 juin 2013, par Maître Philippe et Aymeric Rouillac
Japon, début de l’ère Édo, vers 1640. / Haut. 63,5 Long. 144,5 Prof, 73 cm.
En 1658 le cardinal Jules Mazarin, (1602-1661) qui était fou d’œuvres d’art, fait acheter un grand coffre aux enchères à Amsterdam. Le meuble laqué est si précieux, que le Cardinal diligente un navire de guerre pour le rapporter en France.
À la mort de Mazarin, ses trésors sont exposés dans la fameuse galerie Mazarine. Plus tard, le roi en hérite. A sa charge d’en faire profiter la famille du défunt. Hortense Mancini, une des nièces du Cardinal, recevra le fameux coffre qui passera ensuite dans différentes mains et disparaîtra du devant de la scène.
Jusqu’au jour où Maitres Rouillac, père et fils, sont appelés pour estimer le contenu d’une maison. C’est alors que ces experts ne peuvent que s’arrêter, devant cette “Mona Lisa du mobilier asiatique” qui dormait à 40 minutes d’Orléans. C’est le « bar à papa » explique pourtant l’un des héritiers. Le père, un ingénieur français, avait vécu, en effet, dans une maison meublée à Londres où le coffre était devenu son bar…
Considéré comme l’un des plus beaux meubles du monde, ce coffre laqué japonais, vedette des enchères au château de Cheverny, a été adjugé en mai 2013 pour 7,311 millions d’euros.
C’est le Rijksmuseum d’Amsterdam , venant de faire peau neuve, qui s’est rendu acquéreur de ce trésor de l’ère Edo. L’achat a été possible grâce à l’appel aux plus grands mécènes des Pays-Bas.
Découverte surprise d’un trésor du patrimoine, fabuleuses enchères, éclairage sur les précieuses laques du Japon : tels sont les thèmes de la conférence que maître Philippe Rouillac donnera à l’invitation des Amis des musées d’Orléans.
Le décor de laque manifeste, sur près de 9 m², la perfection des principales techniques combinées du maki-e (art de la laque), notamment : roiro-urushi (fond de laque noir), fun dame (fond d’or), hiramaki-e (dessin à la poudre d’or), takamaki-e (dessin en relief saupoudré d’or), harigari et tsukegaki (lignes de dessins à l’or en creux ou en relief), kanagai (feuille d’or en haut-relief), kirikane (carré de feuilles d’or en mosaïque), hanagai (incrustations de nacre), ginbyo (clous d’argent), incrustations d’argent en cascades, nashiji (fond de poire, dit aventurine). Chaque panneau extérieur du coffre est entouré d’une frise géométrique à trois bandes au centre de laquelle se répètent trois môns (symboles héraldiques japonais), alternant fleur de Magnolias, fleur à six pétales et roue du Dharma et fleur de lotus à huit branches, symbole de la doctrine bouddhiste. Les bords du couvercle et du fond sont décorés à l’imitation du bois.
- LE DIT DU GENJI. Le panneau frontal est orné de 36 personnages et de nombreux animaux (canards, poules, chien) illustrant une scène du chapitre 28, dit Nowaki : la Tempête. Après l’orage, les femmes et les jeunes servantes ramassent les fleurs coupées et des insectes qu’ils recueillent dans des boîtes rondes. Scènes de palais et de jardins alternent dans une architecture merveilleuse pêche à la ligne autour d’un bassin, basse-cour, cerfs-volants, rencontres… Premier roman de la littérature mondiale, au XIe siècle, le Dit du Genji narre en 54 livres la vie de cour à travers les aventures et les amours de Genji, un prince impérial d’une incroyable beauté.
- LES HUIT VUES D’ÔMI : le temple d’Ishiyama. Le dessus du couvercle est orné de 21 personnages et d’animaux de basse-cour évoluant dans le temple montagneux d’Ishiyama Dera. Ce temple est celui où la poétesse Murasaki Shikibu, au XIe siècle, a entamé la rédaction du Dit du Genji. Une cascade spectaculaire, avec incrustations de métal sur 14 cm, coule sur les bords du lac Biwa. Deux barques, sous un pont au pied d’une pagode, évoluent au milieu des vagues. La scène prend place dans un cartouche formé de quatre paires de phénix sur fond noir.
- LE DIT DES FRÈRES SOGA. L’intérieur du couvercle est orné de 29 personnages illustrant la scène de chasse du Dit des Frères Soga. C’est au cours de cette chasse que les Frères Soga tuent le meurtrier de leur père, s’attirant l’admiration de l’Empereur mais les foudres de la justice. Cette scène saisit de nombreux moments instantanés d’une chasse, avec un sens du majestueux et de l’anecdotique. L’Empereur à cheval, sous un dais, est entouré de huit soldats. Huit cavaliers chassent le cochon sauvage et le cerf au pieu ou à l’arc. Ils sont aidés par une douzaine de chasseurs à pied, dont un enfourche un cochon sauvage. Une multitude d’animaux sauvages – cerfs et biches, sangliers, lapins, belettes et même un singe domestiqué, évolue dans un paysage dominé par le Mont Fuji. La scène prend place dans un cartouche formé par quatre paires de dragons sur un fond de laque aventurine.
- OISEAUX ET MAGNOLIAS. Le panneau arrière illustre le style japonais de Kano, ou Sanraku. La frise de môns est simplifiée. Il laisse une grande place au fond de laque noir, en réserve. Il figure trois oiseaux voletant à proximité de deux branches de magnolias. Cette fleur, qui fleurit en mai et juin au Japon, symbolise la saison estivale à laquelle se réfèrent les moments choisis pour illustrer ce coffre.
- SCÈNE DE PALAIS. Le panneau latéral gauche est orné de deux personnages dans une scène de jardin et de palais surplombant la mer, une cascade à gauche.
- SCÈNE DE JARDIN. Le panneau latéral droit est orné d’un paysage au pont sur un fond vallonné.
- FOND DE POIRE. Le fond du coffre est recouvert d’une splendide laque aventurine, dite fond de poire.
SERRURE en métal richement ciselée de fleurs de magnolias, gardées par deux tigres et un dragon doré sur fond noir.
COINS, charnières et partie centrale du bâti antérieur en cuivre finement ciselé de fleurs de magnolias, anciennement damasquiné. Poignées en acier travaillé et doré sur chaque petit côté sur deux morceaux de cuivre damasquinés.
Probablement atelier de Kôami Nagashige (1599-1651), à Kyoto pour la laque.
Couvercle attribué au laqueur Goto Kenjo (1588-1663), pour les incrustations de métal.
Japon, début de l’ère Édo, vers 1640.
Haut. 63,5 Long. 144,5 Prof, 73 cm.
Soit environ 8,7 m² de décor laqué, dont 4,87 m² de laque or sur fond noir et environ 3,82 m² de laque aventurine.
(Couvercle fendu, restaurations anciennes et repeints d’or, laque ensoleillée et petits manques par endroit).
CLEF en acier et bronze à motifs de feuillage. Long. 11,5 cm.
SOCLE en bois mouluré, stuqué et doré. Poignée en acier travaillé sur chaque petit côté. Traces anciennes de huit pieds, remplacés par quatre patins modernes. Étiquette de William Murray, sculpteur, doreur et transporteur du Duc de Hamilton. Haut. 16, Long. 153, Prof. 82 cm. (Petits accidents et manques).